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Youf Dominique (2009). Juger et éduquer les mineurs délinquants. Paris : Dunod, 231 p.
Added by: Marie Musset (10 Nov 2011 18:19:39 Europe/Paris) Last edited by: Marie Musset (10 Nov 2011 18:25:27 Europe/Paris) |
Resource type: Book ID no. (ISBN etc.): 978-2-10-052131-9 BibTeX citation key: Youf2009a ![]() |
Categories: General Keywords: enfant et enfance Creators: Youf Publisher: Dunod (Paris) |
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Abstract |
La justice pénale des mineurs est aujourd'hui en profonde mutation. L'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante a fait l'objet d'un consensus jusqu'à la fin du siècle dernier. Un modèle thérapeutique de justice a été construit qui considérait que l'infraction commise par un mineur était le symptôme d'une situation sociale et psychologique dont le jeune était la victime et qu'il fallait traiter par une mesure éducative. Or, ce modèle n'a pas atteint ses objectifs. Les mineurs récidivistes étaient pris en charge par l'Administration pénitentiaire plutôt que par la Protection judiciaire de la jeunesse. Face à cet échec, un nouveau modèle de justice est aujourd'hui proposé. Il considère que la croissance de la délinquance des mineurs repose sur un sentiment d'impunité. Dès lors, il faudrait construire une justice où par la sanction, le jeune déviant apprenne à respecter la loi. La première partie de ce livre propose une analyse des forces et faiblesses du modèle thérapeutique dans lequel nombre de juges des enfants, éducateurs, psychologues, assistants de service social continuent de se reconnaître. La deuxième décrit le processus de déconstruction de ce modèle et l'apparition d'un nouveau modèle de justice basé sur la dissuasion. Enfin la troisième partie montre qu'une autre voie est possible qui tient compte à la fois du caractère social de toute justice et du devoir d'éducation à l'égard des mineurs délinquants. Added by: Marie Musset Last edited by: Marie Musset |
Quotes |
Chapter 1
Introduction LA JUSTICE PÉNALE des mineurs est, depuis quelques années, au centre de l’actualité. Après une longue période de confidentialité où elle n’intéressait que les spécialistes de l’enfance délinquante et de l’enfance en danger, elle est devenue un problème politique majeur. Le thème a fait l’objet de débats lors des deux dernières campagnes présidentielles, de sorte que, désormais, l’ordonnance du 2 février 1945 est connue d’un large public. Cet intérêt pour la justice des mineurs est particulièrement illustré par le rythme des réformes de ce texte emblématique. Le texte relatif à l’enfance délinquante a été modifié quatre fois de 1945 à 1985. Il a subi seize modifications ces vingt dernières années, dont dix entre 1995 et 2007. À l’heure où sont écrites ces lignes, un avant-projet de Code pénal des mineurs a été rendu public à la suite des travaux de la Commission de réforme nommée par l’ancien garde des Sceaux, Rachida Dati, et présidée par André Varinard. Cette inflation législative peut être interprétée comme une réponse politique à une demande sociale. Cette demande est difficile à décoder. Les politiques affirment qu’il faut répondre à l’accroissement de la délinquance des mineurs. Cependant, ils oublient de signaler que l’ordonnance de 1945 a été la réponse qui fut donnée dans l’après-guerre à une montée en flèche de cette même délinquance, à une époque où les armes en circulation étaient nombreuses et où les repères entre loi et infractions étaient devenus opaques. Par ailleurs, ces mêmes politiques font l’impasse sur la période qui a vu la croissance la plus spectaculaire des délits commis par des jeunes1, les années 1960 et 1970. Or c’est à cette période que furent appliqués dans leur plus grande rigueur les principes de l’ordonnance de 1945. page 2 En réalité, ce qui est en question depuis quelques années n’est pas tant l’accroissement du nombre de délits et de crimes commis par des mineurs. Il ne s’agit pas non plus principalement du changement de la nature des faits incriminés, même s’il est indiscutable que les actes violents ont augmenté sensiblement. Le changement fondamental est le nouveau regard porté par la société face aux infractions commises par sa jeunesse. Dans les années 1960 et 1970, une société dominée par les jeunes tolérait d’autant plus facilement la délinquance des mineurs qu’elle vivait avec euphorie la période des Trente Glorieuses. La croissance économique, le plein-emploi et le développement de l’État providence permettaient de considérer comme secondaire et acceptable la délinquance des jeunes. Dès les années 1980, le vieillissement de la population, l’insécurité sociale provoquée par le chômage, le développement de la société individualiste qui désaffilie les individus de leurs anciennes appartenances sociales rendent désormais insupportable la croissance de la délinquance des jeunes. Le corps social émet une demande de sécurité et de justice. Afin de répondre à cette demande, les politiques ont répondu par l’addition de réformes qui ont durci de plus en plus la justice pénale des mineurs. L’ordonnance de 1945 est de plus en plus jugée laxiste et donnerait un sentiment d’impunité aux mineurs délinquants1. À partir du milieu des années 1990, les réformes vont toutes dans le sens d’une plus grande responsabilisation des jeunes contrevenants et de la dissuasion d’un passage à l’acte. Ces réformes, et notamment celles de 2002 et de 2007, ont profondément modifié la justice des mineurs. Alors même qu’on parle toujours de l’ordonnance de 1945, celle-ci n’a plus grand-chose de commun avec le texte originel. Sur 49 articles que compte cette ordonnance, seuls 7 n’ont pas connu de modification. Il n’est pas fâcheux qu’un texte de loi subisse de multiples amendements ; cela prouve sa vitalité. Mais, comme l’expliquait le grand juriste Ronald Dworkin (1994), le droit est un roman où chaque auteur écrit un nouveau chapitre en cohérence avec les chapitres précédents. Or telle n’est pas la situation pour les réformes qui se sont succédé sur la justice des mineurs. Chacun écrit un nouveau chapitre sans tenir compte de ce que ses prédécesseurs ont écrit. L’ordonnance du 2 février 1945 est devenu un texte illisible que les meilleurs spécialistes ont du mal à traduire. page 6: Il convient de réformer le droit pénal des mineurs afin de dissuader les jeunes de commettre des infractions. À cette fin, il faut sanctionner le mineur le plus rapidement possible afin qu’il prenne conscience qu’il est plus coûteux de commettre des délits que de respecter la loi. Toutes les réformes visent à contracter les délais de prise en charge par la justice et à privilégier la sanction afin de dissuader les éventuels délinquants de passer à l’acte. Ce processus s’achève avec le rapport de la commission Varinard et le Code de la justice pénale des mineurs qui substitue le modèle néo-utilitariste au modèle thérapeutique. La substitution du modèle néo-utilitariste au modèle thérapeutique est une solution désastreuse, comme l’est la nature du débat sur la réforme de la justice pénale des mineurs. Elle oppose les tenants de l’ordonnance de 1945 qui s’accrochent à un texte qui a pourtant montré ses limites, aux partisans d’une justice dissuasive qui rejettent ainsi les acquis du modèle thérapeutique. La troisième partie de ce livre sera de montrer qu’une autre voie est possible plutôt que de s’enfermer dans cette antinomie. Il est important d’abord de comprendre les dimensions sociale et morale de la justice pénale des mineurs. Toute justice pénale, même s’appliquant aux enfants et aux adolescents, a prioritairement une dimension sociale. Le juge doit donner à chacun ce qui lui est dû. Il doit respecter l’équilibre entre le coupable, la victime et la société. Or, c’est ce qu’a oublié le modèle thérapeutique ; il ne s’est soucié que de l’auteur, négligeant la victime et la société. Le « retour du refoulé » social fut la croissance de l’incarcération des mineurs délinquants. Mais la justice des mineurs a aussi une dimension morale. Quelle relation établit-elle avec l’enfance et l’adolescence ? Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la société française, en adoptant l’ordonnance de 1945 se sentait responsable de sa jeunesse. Elle considérait que si les enfants et les adolescents commettaient des infractions, la responsabilité en revenait avant tout au monde adulte. C’est cette responsabilité, cette sollicitude à l’égard de l’enfance délinquante qui a disparu dans les récentes réformes de la justice des mineurs. L’ambition de ce livre est de proposer les principes d’une justice pénale des mineurs qui prenne en compte l’équilibre de la justice, la responsabilité progressive du mineur et la responsabilité de la société à l’égard de ses enfants et de ses adolescents. Added by: Marie Musset Keywords: droits de l'enfant enfant et enfance |
Musings |
Recension de Pierre-Henri Tavoillot : http://sejed.revues.org/index6626.html Extrait : La société est-elle victime de la jeunesse délinquante ou est-ce, au contraire, la jeunesse délinquante qui est victime de la société ? Tel est le dilemme, ou plutôt l’antinomie, qui anime le débat public depuis que la jeunesse existe comme objet politique, c’est-à -dire, grosso modo, depuis la fin du XIXe siècle. D’un côté, on impute à une classe d’âge une bonne part des troubles et des dérèglements sociaux en cherchant à la discipliner par la sanction. De l’autre, on perçoit la délinquance comme le symptôme d’un disfonctionnement social plus global, dont il faudrait tenter d’éradiquer les racines profondes et, avant tout, de protéger les jeunes, fussent-ils fautifs. Entre ces deux positions, antagonistes tant dans le diagnostic que dans la thérapie, une lutte sans merci, sans nuances et, surtout, … sans fin ! 2S’il ne fallait accorder qu’un mérite au livre de Dominique Youf, ce serait celui de nous sortir un (trop court) moment de cette frénésie combattante aussi vaine que prévisible. A le lire, on retrouve l’espoir qu’il y ait, en la matière, encore de l’espace pour les nuances, la confrontation des arguments et le débat d’idées. Mais la lecture de ce livre comporte bien d’autres avantages. 3Fort de ses travaux précédents sur l’histoire de la philosophie politique des droits de l’enfant (notamment Penser les droits de l’enfant, Paris, PUF, 2007), Dominique Youf identifie les soubassements philosophiques des deux modèles antagonistes, et il en entreprend la généalogie institutionnelle pour le domaine français. Référence électronique Pierre-Henri Tavoillot , « Juger et éduquer les mineurs délinquants, de Dominique Youf », Sociétés et jeunesses en difficulté [En ligne] , hors série | 2010 , mis en ligne le 19 mars 2010, Consulté le 10 novembre 2011. URL : http://sejed.revues.org/index6626.html Pierre-Henri Tavoillot Université Paris-Sorbonne (Paris IV), phtavoillot@gmail.com Added by: Marie Musset (2011-11-10 18:25:27) |